de Ramon Lazkano
extraits de l’opéra en cours d’écriture
d’après le roman de Jean Echenoz Ravel, Éditions de Minuit 2006
Commande du Festival d’Automne à Paris et de Donostia/San Sebastián 2016-Capitale Européenne de la Culture
Maïlys de Villoutreys, soprano
Anders J. Dahlin, ténor
L’Instant Donné
Tito Ceccherini, direction
dates
17.09.2016 : Théâtre du Châtelet (Festival d'Automne à Paris) > création
18.12.2016 : Kursaal, San Sebastián, Espagne
Cet opéra repose sur le roman éponyme dans lequel Jean Echenoz raconte, avec une grande économie de mots et en accélérant le temps, les dix dernières années de la vie de Maurice Ravel, la terrible progression de l’aphasie jusqu’à la perte de l’identité.
Ravel fascine : son œuvre, énigmatique à beaucoup d’égards, suscite des débats passionnés et engagés. Ravel, qui avait pour habitude d’occulter les esquisses, révélait ainsi, comme une revendication magique, une manière d’être : se montrer au monde sans failles, bannir l’hésitation, dissimuler les repentirs. Sa vie, avec sa fin dramatique, est un sujet inquiétant : la perte des facultés fondamentales de son art a forgé un cauchemar qui, pour être resté discret et silencieux, n’en est pas moins terrifiant. La disparition du contrôle linguistique, l’incapacité à transmettre alors qu’on garde la conscience de la possession de ce qui est communicable, deviennent une aliénation tragique. Ce Ravel-là devient un modèle et un miroir ; en se l’appropriant, nous partageons avec lui le tarissement et la dissolution du rapport au monde.
À partir du roman de Jean Echenoz Ravel (2006) une construction s’échafaude, au-delà de la biographie marquée par l’apparition envahissante de la maladie : un opéra autour des notions du déjà-vu et de la réduction au silence. Ce faux « vrai récit » qui relate les dix dernières années de la vie de Maurice Ravel met en scène le passage introspectif du compositeur qui, en perdant ses mots, perd son identité. Le livret est rédigé avec les mots et la langue de Jean Echenoz ; il établit une séquence d’événements qui explore les symétries du roman et agence les passages dans une action regroupée.
Ravel (Scènes), ce sont des fragments de cet opéra-à-venir. Les traces de sa musique sont ici érodées, brouillées, cryptées, cachées et effacées, comme un souvenir retourné et froissé du personnage. La musique, le son, deviennent le dernier refuge d’une mémoire étouffée et encapsulée. L’instrumentation, presque chambriste par sa dimension, permet de donner vie à un orchestre fantasmé, à l’énergie contenue et au souffle retenu. Dans ces scènes, deux voix résument la trajectoire du récit et évoquent les épisodes qui tressent le fil de la musique.
Ramon Lazkano, mai 2016